L’immunothérapie, une nouvelle arme contre les cancers

Par Recherche du Bien Etre.
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Dans la guerre sans merci déployée contre les cancers, une multitude d’offensives mobilisent nos lignes de défense immunitaire. Ce sont les “immunothérapies des cancers”. Les premières armes de ce combat ont été fourbies en 1891 par un chirurgien new-yorkais : “Chez de jeunes malades atteints d’ostéosarcome, une tumeur des os très agressive, William Coley constate qu’une infection aiguë provoque la régression des tumeurs”, raconte Laurence Zitvogel, oncologue médicale à l’Institut Gustave-Roussy (IGR) à Villejuif (Val-de-Marne). En 1893, il injecte à ces malades un cocktail de bactéries inactivées qui font à leur tour régresser ces cancers. Comment ? En stimulant le système immunitaire, qui “libère” son agressivité vis-à-vis des tumeurs.

Étonnamment, cette approche constitue encore le traitement standard de certains cancers de la vessie depuis quarante ans : après résection chirurgicale de la tumeur, des injections répétées de bacille du BCG sont pratiquées dans la vessie.

Chez les patients, plusieurs observations confirment le rôle primordial du système immunitaire dans le contrôle des cancers – ou montrent ses défaillances dans leur développement. C’est d’abord le constat d’une fréquence accrue de certains lymphomes chez les patients immunodéprimés (à l’immunité affaiblie par une maladie ou un traitement).

C’est ensuite cette découverte dans des cancers du côlon, du sein ou de l’ovaire : “Plus le site primitif de la tumeur est riche en certaines cellules immunitaires, moins le patient fait de récidive et plus sa survie est longue”, explique Franck Pagès, de l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris). Avec l’équipe Inserm de Jérôme Galon, il a mis au point un “score immunitaire” à visée pronostique, fondé sur le nombre de lymphocytes qui infiltrent les tumeurs colorectales. A terme, ce score pourrait permettre d’adapter les traitements.

LES CELLULES T

Mais à mesure que la tumeur croît, elle s’allie rapidement à un régiment transfuge de l’immunité : les cellules T dites “régulatrices” qui freinent l’offensive destructrice des cellules T cytotoxiques. Ces manoeuvres félonnes s’appuient sur plusieurs molécules-clés, telle la protéine CTLA4. Lorsque celle-ci apparaît en nombre à la surface des cellules T, elle retarde ou freine l’action des cellules cytotoxiques… qui ne peuvent poursuivre leur attaque tumorale.

“L’étape suivante a été le développement de stratégies visant à contrecarrer cette immunosuppression”, relate Laurence Zitvogel. D’où la mise au point d’une première molécule thérapeutique : un anticorps anti-CTLA4, l’ipilimumab. Chef de file des immunothérapies des cancers, il est aujourd’hui approuvé dans le traitement des mélanomes métastatiques par les agences du médicament américaine et européenne. “Avec l’ipilimumab, la survie des patients est au moins doublée. Chez les répondeurs, cette survie apparaît durable, avec un recul de quatre à cinq ans, se réjouit Céleste Lebbé, onco-dermatologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. L’immunothérapie a longtemps été un “serpent de mer” dans le mélanome, mais après quinze ans de déceptions ça marche enfin !”.

Pour autant, ce n’est pas la panacée. Le coût initial demandé par le laboratoire (Bristol-Myers Squibb) était si élevé – 80 000 euros par patient – que les négociations avec les autorités sanitaires bloquent. Pour l’heure, l’ipilimumab n’est pas remboursé. Certains hôpitaux français acceptent de le financer, mais beaucoup refusent.

Autres faiblesses de l’ipilimumab : “Nous ne disposons pas encore de biomarqueurs pour prédire les 20 % de patients qui répondront, regrette Caroline Robert, onco-dermatologue à l’IGR. Et l’ipilimumab a un profil d’effets indésirables très inhabituel. Parce qu’il libère le système immunitaire, il peut déclencher une auto-immunité en s’attaquant aux tissus sains. Il faut bien connaître ces effets, en informer les patients et apprendre à les gérer.”

“MOLÉCULE DE L’ANNÉE”

D’autres immunothérapies sont en cours d’évaluation. Parmi elles, un anticorps anti-PD1, qui “réveille” le système immunitaire en débloquant un de ses verrous. Au congrès mondial de cancérologie qui se tenait début juin à Chicago, l’ASCO, cet anticorps a été élu “molécule de l’année”. Il a donné lieu à deux articles et à un éditorial, publiés en juin dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine. Des essais préliminaires suggèrent des taux de réponses prolongées chez 20 % à 30 % des patients dans des tumeurs très agressives : mélanome, cancer du rein et cancer du poumon non à petites cellules.

“Une autre stratégie est d’éduquer les lymphocytes T naïfs du patient avec les antigènes isolés de son propre cancer”, explique Laurence Zitvogel. Chez des patientes atteintes de cancer du col de l’utérus, cette “vaccination thérapeutique” donne des résultats prometteurs. Les antigènes administrés sont issus des papillomavirus de l’herpès HPV16 et 18, en cause dans le développement de ces cancers. Et dans un article publié, fin 2009, dans le New England, l’équipe de Cornelis Melief établit l’efficacité de la vaccination thérapeutique (par des “longs peptides” de ces virus) dans des cancers de la vulve. Le 11 octobre, une autre équipe montre, dans Science Translational Medicine, que des femmes atteintes de lésions précancéreuses déclenchent une réponse immune anticancer spécifique et durable après avoir reçu, par électroporation, des fragments d’ADN (des oncogènes des virus HPV16 et 18). Plusieurs autres vaccins thérapeutiques sont à l’essai contre des mélanomes, des cancers de l’ovaire ou du sein.

FANTASSINS DE L’IMMUNITÉ

Les chercheurs mobilisent aussi les “cellules dendritiques”, ces fantassins de l’immunité chargés de présenter les antigènes aux cellules immunes pour leur apprendre à tuer les porteurs de ces antigènes. Les cellules dendritiques sont prélevées chez les patients, mises à incuber avec des fragments de molécules spécifiques de certains cancers (“antigènes tumoraux”), puis réinjectées aux patients. Dans les cancers de la prostate hormono-résistants métastatiques, cette méthode approuvée aux Etats-Unis “permet des gains de survie de six à huit mois”, observe Laurence Zitvogel.

Autre voie : réinjecter au patient ses propres lymphocytes après les avoir activés ex vivo par différentes manipulations. Au préalable, le patient doit avoir subi une ablation de ses cellules médullaires. “Ce sont des protocoles très lourds et coûteux mais assez révolutionnaires”, souligne la chercheuse. Ils ont fait la “preuve du concept” dans des mélanomes et des leucémies lymphoïdes chroniques.

Les tumeurs sont loin d’avoir signé leur reddition. Mais face aux charges réitérées des escadrons de l’immunité, renforcés de ces nouvelles armes thérapeutiques, elles amorcent un recul manifeste.

Co-investigatrices des essais cliniques avec l’ipilimumab, les professeurs Caroline Robert et Céleste Lebbé déclarent des liens d’intérêt avec les laboratoires Bristol-Myers Squibb notamment.

Par Florence Rosier

Le rôle des “régulateurs”

Retour aux fondamentaux scientifiques, piliers de tout progrès. A l’Institut Curie (Paris), l’équipe Inserm de Sébastien Amigorena vient de préciser le rôle d’un des “régiments” de l’immunité, dans la revue Science du 26 octobre. Il s’agit des lymphocytes T régulateurs, une sous-population chargée d’inhiber les réactions de l’individu contre ses propres tissus, ou réactions auto-immunes. Ce sont aussi les cellules qui “trahissent” l’organisme dans sa lutte anticancer ! “Nous montrons que ces cellules sont également importantes lors des étapes précoces des réponses contre des antigènes externes, lors d’une infection par exemple. Elles favorisent le recrutement des lymphocytes de “forte affinité” pour l’antigène, explique Sébastien Amigorena. Cette découverte pourrait être importante pour la mise au point de stratégies de vaccination durable, y compris contre les cancers.”

immunotherapie contre le cancer

 

Utilisés en cancérologie, les traitements par immunothérapie n’agissent pas directement sur les cellules malignes. Ils ciblent au contraire le système immunitaire dans son ensemble. Objectif : le stimuler pour renforcer les défenses du malade contre les cellules cancéreuses.

Comment agit l’immunothérapie ?

Longtemps, l’interleukine 2 et l’interféron ont été les deux substances les plus utilisées en immunothérapie. L’une et l’autre sont naturellement secrétées par l’organisme. Lorsqu’elles sont utilisées à des fins thérapeutiques, elles sont produites par génie génétique. L’objectif est de « booster » les lymphocytes – les globules blancs – dont le rôle est primordial pour la défense contre les agresseurs du système immunitaire – et de les aider à lutter contre le cancer. Depuis quelques années, des anticorps monoclonaux (les anti-HER) peuvent aussi être utilisés en immunothérapie.

Des contre-indications ou précautions ?

Fièvre, courbatures, fatigue, troubles cutanés, sécheresse des muqueuses voire troubles digestifs sont les effets secondaires les plus souvent rapportés avec l’interleukine 2 et l’interféron.


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